Archives départementales Hérault. L 5810 B.Pagès. ADH 2009
Marins hollandais, Prisonniers de guerre dans le château de Sommières en 1794 ou An III.
Lettre datée du 6 vendémiaire de l’An III (27 septembre 1794) et adressée aux représentants du peuple Perrin, Borie et Boisset (Conventionnel en inspection dans le Gard, depuis 1790 le château fait partie du District de Sommières, nouvelle division administrative) par les marins hollandais détenus au château en tant que prisonniers de guerre. La France étant en guerre avec les Provinces Unies (Hollande), les navires marchands civils furent saisis dans les ports français et les équipages internés. Ils se plaignent de la non application du règlement prévoyant de recevoir la solde correspondante à leur grade, mais réduite 10 sols depuis un Arrêté du 29 messidor 1794. Cette lettre nous renseigne sur la composition de ce groupe: 7 capitaines de vaisseaux, 6 capitaines en second, 31 charpentiers, maitres d’équipage, cuisiniers, matelots et mousses.
A cette époque, les prisonniers doivent assurer leur subsistance, ils bénéficient d’une certaine liberté et peuvent travailler en ville, dans le château ils sont logés dans les anciennes casernes inutilisées. Cette lettre est rédigée par une personne cultivée, magistrat ou notaire( avec l’aide d’un traducteur D’oliva, qui avait déjà fait parvenir au Ministre de la Marine une pétition), dans le style emphatique et patriotique de cette époque.
En guerre avec une partie de l’Europe royale, la Convention déclare la guerre le 2 janvier 1793 aux Provinces-Unis. Le général français Pichegru envahit ce pays, accueillit par le peuple qui proclame l’éphémère République Batave et chasse le gouverneur Guillaume d’Orange-Nassau et donc libération prochaine des prisonniers à la suite du traité de paix de la Haye le 5 mai 1795 qui accorde quelques concessions territoriales et une forte indemnité. C’est durant cette campagne que des cavaliers français remportent la victoire « navale » du Tercel :14 vaisseaux hollandais équipés, immobilisés dans la mer gelée, sont pris d’assaut de nuit par des régiments de hussards à cheval.
Au représentant du peuple Perrin ,
Cornelius Van der Wall, Jan Joustes, Duke Kugsen Wolf, Johane Sybrants, capitaines de vaisseaux marchands hollandais réclamant tout pour eux que pour les hommes de leur sept équipages parmi lesquels se trouvent 6 capitaines en second et 31 charpentiers, maitres d’équipage, cuisiniers, matelots et mousses, nous exposent que la Loi du 16 mai 1792 (vieux style), portant que chaque officier pris recevra un traitement égal à celui attaché au grade correspondant en France, cependant les capitaines depuis leur entrée en captivité n’ont reçus que 50 sols et les matelots 30 sols par jour avec le pain sous les retenus de droit. Ils adressent à ce sujet une pétition au sieur Boisset, représentant du peuple ayant fini sa mission dans le département, ils la firent présenter au représentant Borie qui la remit au district pour y statuer, enfin cette pétition fut remise au citoyen Doliva interprète et à lui qui lui permit de l’adresser au ministère des la guerre, les exposants n’en n’ont plus de nouvelles attendant un heureux suivi et esperer n’être plus maltraités que les ennemis de la République pris les armes à la main contre elle, Eux qui ne sont pas des prisonniers de guerre et qui doivent en estre distingués, Eux qui sont venus en temps de paix en France sous la bonne foi du traité que la majeure partie ont amenés leur subsistance et que pour avoir souffert pour leur liberté dans la dernière révolution qui s’est déroulée en Hollande ont eut le malheur de se trouver englober dans l’embargo que la République a jugé convenable pour ses intérêts de mettre tout les bâtiments qui se trouvaient dans leur port à l’époque de la déclaration de guerre et d’être fait prisonnier.
Ils ont été jusqu’à ce jour bien plus maltraité que les véritables ennemis de la République, puisque ils n’ont pas reçus comme eux de traitement égal à celui attaché au grade correspondant au leur en France que la Loi leur accordait, mais encore ils ont eu la douleur de se voir enlever les navires qu’ont étés vendus par la République.
Maintenant l’Arrêté du Comité de Salut Public en date du 29 messidor (17 juillet) relatif au prisonnier de guerre, réduit à 10 sols par jour le traitement accordés aux prisonniers de quelques grades et armes qu’il soient, Représentant nous venons intercéder ta Justice, tu es humain et tu verras qu’avec peine des malheureux privés de tout expatrier et ne comprenant pas la langue française et ont toutes les peines du monde à se procurer les subsistances nécessaires à leur entretien et souffrent l’impossible et davantage de l’Arrêté du 29 messidor, comment vivre avec 10 sols par jour et les capitaines surtout qui n’ont aucune autre profession et que leur âge avancé rend inadaptable au travail, mais ils se reposent que les dispositions ne sont applicables qu’aux prisonniers de guerre fait depuis le commencement de la guerre qui ont porter les armes contre la République.
Daigne Représentant avoir égard à notre fâcheuse position, déclare que le susdit Arrêt ne saurait nous concerner et déterminer dans ta sagesse le traitement qui doit nous être accordé. Cet acte bienfaisant te donnera le droit à notre reconnaissance si tu avais la bonté de de faire connaitre notre triste situation à la Convention nationale et plustot que de nous laisser souffrir et languir dans la captivité, solliciter auprés d’elle notre échange, nous fumes patriotes républicains et malheureux, ces titres suffisent pour estre assurer de ta bienveillance, nous connaissons la loyauté du caractére français.
A Sommières le 6 vendémiaire An III de la République française, une et indivisible et démocratique. Signature.
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